jeudi 21 janvier 2010

Une aventure extraordinaire

Tout a commencé le lundi de Pentecôte 1999 dans la campagne auvergnate.

Les cris d'un animal près de la maison que nous occupions. En allant voir ce qui pouvait bien faire autant de bruit, et pourquoi, nous avons découvert, mon mari et moi, une petite boule de poils de quelques dizaines de grammes qui se débattait dans quelques centimètres d'eau au fond d'une bombe volcanique. Le mot "bombe" ne pouvait pas être plus adapté à ce qui allait changer notre vie durant plusieurs années.

Comment était-elle arrivée là ? Mystère ! Notre chat avait l'habitude de nous offrir ses proies, souvent vivantes..., peut-être sa mère en changeant ses petits de place?. Immédiatement mise au sec nous avons téléphoné au vétérinaire du bourg voisin, habitué aux animaux peuplant nos campagnes.

Confirmation nous a été donnée qu'il s'agissait probablement d'un bébé fouine avec sa robe brun foncé ,sa bavette blanche et sa truffe rose. Elle devait avoir 3 ou 4 semaines, puisqu'elle avait les yeux ouverts. Mais que faire ? Suivant l'avis du vétérinaire, nous la remettions où nous l'avions trouvée avec peu de chances que sa mère la reprenne imprégnée de notre odeur, ou nous la gardions pour essayer de l'élever, ce qui n'était pas évident, ni gagné d'avance. Heureusement le vétérinaire nous avait bien expliqués la composition des biberons que nous devions lui administrer (lait + blanc d'œuf + sucre + crème fraîche) le lait de sa mère étant très riche. Nous voilà partis à la recherche d'un biberon de poupée chez les voisins paysans les plus proches.

Là, point de biberon, mais le conseil de rapidement lui écraser la tête d'un coup de talon, cette petite bête faisant partie des "nuisibles", et s'apparentant à de la vermine ... conseils que nous avons oubliés immédiatement. A défaut de biberon, une petite cuillère ferait l'affaire puisqu'elle semblait vouloir aspirer cette mixture. Et tout à bien marché. Elle était bien décidée à vivre, même avec les humains. Nous l'avons ainsi amenée jusqu'au sevrage avec petit à petit de la nourriture de plus en plus solide . Là, nous avons fait l'erreur de lui donner presque uniquement de la viande,(nous avions lu, qu'elle faisait partie des petits carnassiers), en fait dans la nature elle se nourrit le plus souvent de baies sauvages, et occasionnellement de petites proies, tels les musaraignes, les mulots, les rats et parfois des oiseaux. En réalité, la fouine est omnivore et nous l'avons rapidement découvert en lui faisant goûter toutes sortes d'aliments : fromage, compote, cake, chocolat, la glace à la vanille ....etc. Elle est aussi très opportuniste. Dès les premiers jours nous l'avons baptisée Narta à cause de l'odeur très particulière qu'elle dégageait. Une odeur de musc, mêlée à du foin ou du tabac blond. Comment peut-on parler de la mauvaise odeur des fouines ? Je connais des humains qui sentent bien plus mauvais que toutes les fouines de la création ! Nous étions parfumés à la fouine puisque nous l'avions toujours dans les bras.

En fait, très rapidement elle a cessé d'émettre cette odeur qui était dûe au stress de sa capture. Une fois rassurée et habituée à nous elle a entretenue son odeur de fouine tranquille en notre compagnie. Quelle odeur agréable !

Nous l'avons gardée dans la maison durant les premiers mois. Mon mari avait fabriqué une grande caisse en bois, remplie de foin, qui trônait au milieu du salon et dès que nous rentrions, nous la laissions en liberté dans la maison. Je me souviens encore de ses premiers pas sur le tapis du salon.

Autant lacher un "skud" dans une pièce. Nous avons dû très rapidement délimiter un périmètre d'action où nous pouvions tous vivre (mon mari, moi-même et le chat et fouinou) en parfaite liberté et bonne intelligence. Nous avions sélectionné la cuisine et le salon. Mais très vite, Narta la fouine a compris comment ouvrir les portes et accéder aux pièces qui lui étaient interdites. Coulissantes ou pas, fermées à clef ou pas, aucune porte ne lui résistait. Nous habitions chez fouinou!

Même la chatte avait dû lui laisser son fauteuil et se replier à l'autre bout du salon. Mademoiselle fouine dictait sa loi, et lorsque cette petite bête a une idée derrière la tête, elle ne lâche pas un pouce de terrain. J'imagine que dans la nature ce doit être la même chose, que c'est un animal têtu et tenace. Son espèce doit peut-être sa survie malgré les prédateurs et piégeages à cette volonté de ne jamais céder et dicter sa loi autant que possible. Le salon étant devenu son aire de jeu et de liberté, nous avons dû nous débarrasser d'un certain nombre d'objets de déco, cadres photos, plantes vertes; à nous de maintenir cachés les ustensils couramment utilisés tels que télécommande, crayons, documents...

Elle se constituait un trésor de guerre et volait tout ce qu'elle pouvait transporter ou traîner jusqu'à sa cachette, qu'heureusement nous avions repérée. Nos visiteurs voyaient systématiquement leurs sacs ouverts et vidés de leur contenu en un éclair (les téléphones portables, les portefeuilles, les calculettes, tout ce qu'elle pouvait emporter) elle était également très douée pour" faire les poches". Dès que quelqu'un s'asseyait, elle observait attentivement sa "proie", le distrayait en lui mordant une oreille et portait une attaque fulgurante dans la poche jugée la plus accessible. Narta était déjà à l'autre bout de la pièce ayant réussi son larçin avec une dextérité extraordinaire. La victime, à tous les points de vue (volée et blessée) n'avait plus qu'à vérifier que le lobe de l'oreille était entier, et faire un rapide inventaire des objets disparus.

Il faut préciser que cela ne se déroulait qu'obligatoirement en présence de mon mari et de moi. Si elle se trouvait seule avec des inconnus on ne la voyait pas, elle se cachait sous un meuble ou derrière les coussins du canapé, canapé qu'elle avait détruit. Elle s'était fait un passage dans le dossier en déchirant le tissu et pouvait ainsi se réfugier dans la structure même d'où elle était indélogeable.

Elle avait une passion pour les glaçons lorsque nous mettions le seau à glace sur la table du salon et appréciait tout spécialement de finir les verres soit de Khyr, soit de Whisky, sachant que dans la cas du Whisky, elle se contentait de lécher le verre qui était froid. Nous ne l'aurions pas laisser boire la plus petite quantité d'alcool! Dans le Khyr, elle devait aimer le sucre de la liqueur de cassis. Peut-être avez-vous déjà compris l'emprise qu'avait cette petite bête sur nous, la découverte de son intelligence, de sa manière de se comporter, de son amour qu'elle savait très bien exprimer vis à vis de nous uniquement, sans oublier ses morsures douloureuses auxquelles nous avions fini par nous habituer et appris à les appréhender. Elles étaient ainsi moins violentes.

Une véritable passion s'était ainsi installée, entre nous. Cette histoire extraordinaire a duré 4 ans, durant lesquels nous l'avons installée dans une véritable maison en bois dans notre jardin, isolée du chaud comme du froid, divers couchages selon son humeur, une chambre noire pour s'y cacher si l'envie la prenait. Mais la plus grande partie de son temps, elle la passait dans la maison avec nous. Tous les week-ends elle suivait notre migration dans la maison de campagne près de laquelle nous l'avions trouvée. Elle voyageait dans le panier du chat, qui lui, restait sur mes genoux.

Arrivée à destination, elle retrouvait sa cabane de week-end à l'extérieur de la maison, où très certainement elle recevait la nuit des visites d'autres fouines issues du même territoire qu'elle. La partie était un peu sportive afin de la récupérer le dimanche soir et la faire rentrer dans le panier du chat pour le voyage de retour à la ville. C'était une fouine voyageuse . Nous sommes partis avec elle en voyage, tout en logeant à l'hôtel (un relais et chateau!) . Elle méritait bien le luxe et le confort. Elle s'y est d'ailleurs parfaitement tenue. Le concierge de l'hôtel à qui nous avions demandé s'il acceptait les animaux nous a regardés traverser le hall en marbre, tout illuminé pour un cocktail, avec notre caisse pleine de foin. Ce monsieur n'a jamais osé nous demander quel animal nous transportions, et 10 ans après doit toujours se poser la question! Nous avions une fouine voyageuse. Elle fait certainement partie de celles qui ont fait le plus de kilomètres. Le second volet de cette aventure est que nous avions rendez-vous chez une personne qui nous louait une chambre d'hôtes pour la nuit suivante. C'est un monsieur qui nous a reçus et à qui j'ai demandé d'avoir accès à son réfrigérateur, afin de conserver au frais la nourriture de l'animal qui nous accompagnait. Il m'a immédiatement donnée son accord pour, "le petit chien".

Je ne suis pas entrée dans les détails, nous nous sommes ainsi installés, mon mari, fouinou et moi. Ce que nous avons découvert le lendemain matin, c'est l'hôte en train de fourbir ses armes pour l'ouverture de la chasse le week-end suivant. Cet homme n'a jamais imaginé qu'une fouine occupait sa chambre d'amis. Si ses accolytes chasseurs avaient découvert le pot aux roses, ils l'auraient certainement"répudié ". Nous avons quitté dès le lendemain ce logement sans lui avoir dévoilé à quoi ressemblait "le petit chien". Peut-être avons -nous eu tord, car un autre chapitre de cette histoire extraordinaire se passe chez des vétérinaires, devenus nos plus fidèles amis, liés à jamais par Narta et les fouines de la création.

Une année, ils hébergeaient un fouinon dans une cabane au fond du jardin et durent s'absenter une journée durant laquelle le voisin, chasseur convaincu ,devait venir surveiller les deux chats. Quelle ne fut pas leur surprise en rentrant chez eux de trouver le-dit voisin, allongé au sol de la cabane, seuls les pieds dépassant, jouant avec le bébé fouine. Il avait découvert un monde de la taille d'une fouine et était séduit pour le reste de ses jours. Comme quoi, tout peut arriver ! Si seulement les gens apprenaient à regarder ce qui les entoure, ils y trouveraient l'instinct de protection et plus celui de destruction, de notre côté, nous devions partir en voyage pour 2 semaines (la seule et unique fois où nous nous sommes permis de telles vacances depuis 10 ans) . Afin de surveiller, nourrir et jouer avec Narta, nous avions installé un ami à la maison pour assurer l'intérim. Suivant nos recommandations, dès le 1er soir de notre absence, il est allé chercher Narta dans sa cabane et l'a ramenée à la maison. Il s'était engagé à faire des câlins, des galipettes et autres occupations que l'on peut avoir avec une fouine !.... Je dois préciser qu'elle le connaissait et avait séjourné à son domicile, lors d'absences de courtes durée de notre part. Mais elle était plus jeune, plus facilement manipulable. Rien ne fit à leur amitié antérieure, au moment de retourner passer la nuit dans sa maison," l'animal",point d'accord se faufila dans la structure du canapé déjà squattée et de laquelle elle restait indélogeable, par mon mari ou moi-même. C'est vous dire que la partie était perdue d'avance. Seule solution : "la piéger".Voilà notre ami, de retour chez lui, à 40 km, à 22h, abandonnant le "skud" dans le salon. L'angoisse aidant à l'idée de retrouver la pièce saccagée, le retour fut rapide équipé d'un piège à lapins, emprunté à quelque voisin chasseur, piège disposé avec un objet insolite à l'intérieur comme appas. Une fouine ne résiste pas à la nouveauté. Ainsi fut reprise la bête qui croyait avoir gagné le droit de liberté dans le salon. Nous-mêmes avions déjà utilisé "les nouveautés" de nombreuses fois pour arriver à circonvenir l'animal sauvage. Pour élever une fouine, il faut une bonne dose d'imagination, être bricoleur, aussi têtu que la bête. Plus patient, sans aucun doute car l'animal ne brille pas par cette qualité!

Bien que dans la nature elle doive en passer par là dans de multiples circonstances pour se nourrir . A la maison, c'était elle qui dictait sa loi, la plupart du temps, et nous aurions été désolés de la contrarier. Même le chat des voisins, qui trouvait la maison à son goût et s'installait fréquemment chez nous, avait dû lui faire allégeance. Elle lui tirait la queue, lui soufflait dans les oreilles et bien d'autres misères ...mais il avait compris, je suppose, qu'il devait supporter pour avoir le droit de se prélasser dans la maison, sinon il risquait de se faire mettre à la porte, ce que nous n'aurions pu nous résoudre à faire car il était beau, gentil...et tout..et tout... Je vous l'ai dit au début, nous habitons chez nos amis à 4 pattes, plutôt qu'eux habitent chez nous.

Autre chapitre de cette extraordinaire histoire, c'est la rencontre de personnes aussi inattendues qu'intéressantes , que l'arrivée de Narta a provoquée dans notre famille. Pour son 3e anniversaire, courant mai 2002, nous avons eu la chance de pouvoir contacter Denis Cheyssou de France- Inter. Ce journaliste ne traite que des sujets concernant la nature.Dans son émission "CO2 mon amour" diffusée le samedi à 14h, il donne la possibilité à des auditeurs de prendre la parole. Après un cheminement trop compliqué à expliquer ici, j'ai pu avoir ce monsieur au téléphone et lui raconter en quelques mots, notre aventure avec Narta. Il fut séduit immédiatement, me rétorquant qu'il lui arrivait plus souvent des interventions moins sympathiques, où étaient régulièrement exposés des problèmes de décharges d'ordures sauvages, de mauvaises odeurs ou autres inconvénients, plus divers les uns que les autres, mais surtout beaucoup moins agréables à écouter que mon équipée sauvage avec un bébé fouine, équipée qui se déroulait très bien dans le meilleur des mondes.

Je lui fit donc rapidement parvenir par téléphone, un résumé de notre vie familiale dont l'élément principal demeurait Narta. Il fit diffuser sur l'antenne de France-Inter ces quelques lignes et en conclusion, ne trouva rien d'autre à dire que :" cette petite bête semblait avoir réveillée une passion chez ses sauveurs." Quelques mois plus tard, ce fut la télévision locale qui nous proposa de venir tourner un petit film à la maison, avec en vedette, Narta bien sûr. Toute l'équipe s'est beaucoup amusée à la surprendre afin de la filmer, ce qui n'était pas une mince affaire! Fouinou restait sauvage vis à vis des étrangers , des pieds des projecteurs, des micros tendus vers elle, et ne se décidait pas vite à se faire voir. Nous avions prévenu que notre fouine, vue l'importance de son rôle dans notre foyer, se comporterait telle une star. Gagné! Tout le monde dû faire preuve de beaucoup de patience autour d'un apéritif servi pour attendre que mademoiselle daigne se montrer. Enfin, les caméras purent tourner et fixer à jamais, sur la pellicule, la vie de Narta au sein de sa famille d'humains. Entre temps, comme je l'ai raconté plus haut, quelques glaçons posés sur la table du salon, donc à sa portée, avaient disparus, sous l'oeil amusé et conquis de toute l'équipe de tournage.

C'est à cette époque que nous commençames à constater des changements dans la façon de se nourrir de Narta. Elle devint de plus en plus difficile à satisfaire. Ce qui lui convenait d'habitude n'était plus de mise. Elle mangeait peu et de façon très irrégulière. Elle avait commencé à maigrir, nous nous rendions bien compte qu'il se passait quelque chose. Mais vers qui se tourner? On nous a alors adressé à une clinique vétérinaire qui avait paraît-il l'habitude de soigner des furets. Le vétérinaire consulté fut bien embarrassé de voir arrivé chez lui, un animal dont il n'avait jamais vu le moindre"exemplaire". Il n'osait même pas la toucher (on peut imaginer qu'il craignait de se faire dévorer !) C'est mon mari qui l'a tenue durant l'examen qu'il a tenté de faire à cet animal, ne sachant pas comment s'y prendre et ne sachant surtout pas vers quoi orienter ses investigations. Je me souviens que c'était un jour de janvier 2003, et que nous étions sous une tempête de neige épouvantable. Nous sommes rentrés à la maison, pas plus renseignés qu'au départ.

Je pardonne volontiers à cet homme son incompétence, il n'avait aucune connaissance des fouines, n'ayant jamais étudié cette espèce comme la plupart des vétérinaires. En effet, ceux-ci ont une formation sur les animaux domestiques bien sûr, un peu sur le gibier de nos contrées et parfois sur certains animaux de cirque qu'ils sont appelés à soigner. Mais l'espèce "fouine marta" leur est inconnue. Désespérés, nous nous sommes adressés au Muséum d'histoire naturelle à Paris, ayant pu obtenir les coordonnées d'un interlocuteur susceptible de nous aider. Ce Monsieur, dont je ne citerai pas le nom ici m'a reçue le plus gentiment du monde, m'a posée mille questions (il avait lui-même élevé une fouine ) et m'a immédiatement mise en relation avec l'une de ses amies vétérinaires dans la région de Grenoble, qui pouvait m'aider. Nous voilà partis sur les routes du Dauphiné, à la recherche du diagnostique et du remède miracle qui pourrait sauver notre fouinou ! Bien qu'ayant tout tenté, après plusieurs semaines d'aller-retours à Grenoble, nous dûmes nous résoudre à la fin proche de notre petite "passion". Elle s'est éteinte (il n'a pas été question d'euthanasie car elle ne souffrait pas) le 1er mars 2003, on peut supposer d'une leucémie car elle n'avait pratiquement plus de de globules rouges. Ce fut un voyage de retour en Auvergne baigné de larmes, larmes qui ont coulé durant des mois, et qui, 7 ans plus tard, sont toujours prêtes à surgir lorsqu'est évoqué le souvenir de Narta , Notre Fouine.

En janvier 2004, un appel téléphonique de Grenoble nous proposait de poursuivre "l'éducation" d'une fouine de 9 ou 10 mois dont le maître venait de décéder. Nous avons repris la route, direction le Dauphiné, et nous sommes revenus avec "Printille", petite femelle adorable, qui fêtera cette année, ses 7 ans. Mais ceci est une autre histoire ............